La colère monte au Sénégal, après l’annonce du président Macky Sall, le 03 février 2024, du report du scrutin présidentiel sine die. En réaction, plusieurs candidats de l’opposition ont manifesté le dimanche, 04 février, dans la rue à Dakar dans un contexte de grave crise politique. La situation s’est rapidement tendue. 

Selon l’AFP, les agents de l’ordre sénégalais ont tiré des gazes lacrymogènes sur des manifestants qui convergeaient pour protester contre le report de la présidentielle.

Les manifestants ont ainsi bloqué la circulation et érigé une barricade à l’aide de pneus enflammés sur une grande avenue de la capitale. La foule s’est retirée dans des rues quand la police est intervenue à coups de gaz lacrymogène et a procédé à des interpellations.

Auparavant, Paris a appelé dimanche le Sénégal à lever les « incertitudes » créées par le report sine die de la présidentielle afin que les élections puissent se tenir dans le meilleur délai possible.

« Nous appelons les autorités à lever les incertitudes autour du calendrier électoral pour que les élections puissent se tenir dans le meilleur délai possible et dans le respect des règles de la démocratie sénégalaise », a déclaré le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.

Une régression démocratique

L’ancienne Première ministre Aminata Touré a fustigé sur les réseaux sociaux une « régression démocratique sans précédent » et appelé les démocrates et les citoyens à se mobiliser pour défendre les acquis démocratiques.

Les Etats-Unis sont « profondément préoccupés » par l’annonce du président Sall, a fait savoir samedi le département d’Etat sur le réseau social X.

L’annonce du report est survenu quelques heures seulement avant l’ouverture de la campagne électorale qui était prévue pour le dimanche, 04 février, pour laquelle vingt candidats avaient été validés par le Conseil constitutionnel.

C’est la première fois depuis 1963 qu’une élection présidentielle au suffrage universel direct est reportée au Sénégal.

«…compte tenu des délibérations en cours à l’Assemblée nationale réunie en procédure d’urgence, et sans préjuger du vote des députés, j’ai signé le décret le 03 février, abrogeant celui du 29 novembre 2023, portant convocation du corps électoral le 25 février », avait annoncé le chef de l’Etat Macky Sall lors d’un discours à la nation samedi, 03 février 2024.

Le Conseil constitutionnel, qui a validé une liste de vingt candidats pour le scrutin présidentiel, avait en revanche exclu des dizaines de prétendants, dont deux ténors de l’opposition, le candidat antisystème Ousmane Sonko et Karim Wade, ministre et fils de l’ex-président Abdoulaye Wade (2000-2012). L’Assemblée nationale a approuvé mercredi, après des débats tumultueux, la formation d’une commission d’enquête sur le processus.

Macky Sall promet de ne pas se représenter

Le président, Macky Sall, élu en 2012 pour sept ans et réélu en 2019 pour cinq ans, avait annoncé en juillet ne pas être candidat. Il a réaffirmé samedi 03 février, qu’il ne se représenterait pas à la présidence.

« J’engagerai un dialogue national ouvert, afin de réunir les conditions d’une élection libre, transparente et inclusive », a dit Sall dans son discours, sans donner de date.

Cette élection s’annonçait comme la plus indécise depuis l’indépendance en 1960. Le doute s’est imposé sur les chances du Premier ministre Amadou Ba, désigné par Macky Sall en septembre comme le candidat du camp présidentiel.

Le président Macky Sall a décidé de ne pas convoquer le corps électoral pour la présidentielle de février 2024.

Dans son discours, le président sénégalais a évoqué un différend entre l’Assemblée et le Conseil constitutionnel.

« Alors que s’annonce l’élection présidentielle du 25 février 2024, notre pays est confronté, depuis quelques jours, à un différend entre l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel, en conflit ouvert sur fond d’une supposée affaire de corruption de juges », a déclaré le président Macky Sall dans son adresse à la nation.

Selon lui, « ces conditions troubles pourraient gravement nuire à la crédibilité du scrutin en installant les germes d’un contentieux pré et postélectoral ».

« Alors qu’il porte encore les stigmates des violentes manifestations de mars 2021 et de juin 2023, notre pays ne peut pas se permettre une nouvelle crise », rappelle Macky Sall.

« J’ajoute qu’en ma qualité de Président de la République, garant du fonctionnement régulier des Institutions, et respectueux de la séparation des pouvoirs, je ne saurais intervenir dans le conflit opposant le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire », dit-il.

Un candidat en prison et une candidate en garde à vue

Bassirou Diomaye Faye, candidat à la présidentielle sous la bannière de la Coalition Sonko Président, par ailleurs secrétaire général du Pastef dissout est arrêté le 14 avril 2023.

Il est depuis lors placé sous mandat de dépôt pour diffusion de fausse nouvelle, outrage à magistrat et diffamation envers un corps constitué, à la suite d’un post sur Facebook.

C’est la première fois dans l’histoire politique du Sénégal qu’un candidat à la présidentielle se trouve en détention à quelques jours de l’ouverture de la campagne électorale.

Rose Wardini, présidente du mouvement « Sénégal Nouveau », et candidate à la présidentielle est aussi placée en garde à vue.